Louis

Publié le par Molette

Louis était mon beau-père. Enfin, le père de mon mari Pépère.
Il est mort il y a plus de 5 ans, en août 2004.
Il avait 64 ans.
C'était un homme simple, intéressé par tout, charmant et extrêmement attentif aux petites choses de la vie.
Il était fascinant. Il était capable de passer un après-midi entier à bricoler un vieux tube d'aspirine pour le transformer en piège à guêpe ultra sophistiqué, avec son petit couteau, deux trois bouts de bois, une bouteille de poison mortel interdit à la vente et un bout de ficelle à rôti.
Dans son atelier, il avait un tiroir rempli de bouchon de bouteille de vin. On sait jamais. Ca peut servir.
C'était le genre d'homme qu'on a envie de connaître quand on le rencontre, instinctivement. En tout cas, moi c'est ce que ça m'a fait. Il avait de l'affection pour moi, je l'avais bien senti, et cette affection toute simple d'un homme pour sa bru me faisait chaud au coeur, elle me faisait sentir spéciale. En ça, je reconnaissait Pépère, qui lui aussi m'avait fascinée dès notre rencontre, et que d'emblée j'avais eu envie de mieux connaître et dont l'amour me fait me sentir très spéciale. J'ai retrouvé cette qualité particulière de Pépère, qui attire à lui comme un aimant les gens qui se trouvent autour de lui, et qui fait que quand on sent qu'il nous apprécie, on se sent si bien.
Eh bien, en rencontrant Louis, j'ai découvert de qui il tenait cette faculté.
Louis m'appelait "sa chère bru", une fois que Pépère et moi, on a été mariés.
Il se réjouissait de mon goût prononcé pour le vin rouge qui lui donnait une bonne excuse pour déboucher les meilleures bouteilles de sa cave.
Il avait un humour fou. Très british, en petites phrases efficaces, lancées l'air que rien, qui me faisait me marrer comme une baleine.
Il a transmis autre que chose que ses gènes à Pépère. Il lui a aussi appris la nature, l'amour de la faune sauvage, le respect des plantes et des aniamux, le sens de l'observation. Et aujourd'hui, je regarde Pépère faire pareil avec Fifille et Junior, et mon coeur se serre. Louis est mort quand Fifille avait juste 1 an.
Il n'a pas connu Junior.
Qu'est ce que j'aurais aimé le voir se promener avec un enfant à chaque main, s'accroupissant à chaque instant pour leur montrer un trou de souris, une crotte de lapin ou un buisson de mûres....
Je n'ai pas pu lui dire au revoir.
Ni de son vivant ni après sa mort.
La dernière image que je garde de lui, c'est une image dans mon rétroviseur: avec Pépère on repartait de chez ses parents, après un week end du 8 mai, et ils étaient debout, côte à côte pour nous dire au revoir. En partant, j'ai regardé dans le rétroviseur, et j'ai vu Louis, la main levée dans un sobre geste d'au revoir. Il était déjà assez gravement malade. Une pensée m'a traversé l'esprit et m'a fait monter les larmes aux yeux: C'est peut être la dernière fois que je le vois... Vite j'ai chassé cette vilaine idée de mon cerveau. Et pourtant,c'était vrai, je ne l'ai pas revu après.
On y est retourné au début de l'été, mais il était hospitalisé. Il allait être transféré dans une maison de convalescence  plus près de chez lui, et m'avait donné rendez vous là-bas, ne souhaitant pas me voir à l'hôpital. Pépère et sa maman y était tous les jours, ça suffisait bien.
Donc j'ai attendu qu'il soit transféré. Mais début juillet 2004, il faisait chaud, et arrivé à la maison de convalescence, sans perfusion il s'est vite déshydraté, et il a du repartir à l'hôpital, très mal en point. Il a eu ces mots au téléphone, "Ma très chère bru, je serais très heureux de te voir, mais je ne veux pas que tu me vois comme ça, je ne suis pas présentable"
La semaine de vacances s'est terminée, il n'allait pas mieux, on est reparti, je ne l'avais pas vu.
Et quinze jours plus tard, il est mort.
 Il avait demandé à être incinéré.
Pépère et sa maman se sont occupés de la crémation. Puis de la dispersion des cendres.
Ils préféraient être tous seuls.
Je suis restée à la maison.
 Il est évident que mon chagrin n'avait rien de comparable, et il est évident qu'il me fallait rester en retrait.
Mais 5 ans plus tard, ce rendez vous manqué avec mon beau père, ce dernier rendez vous que je n'ai pas eu, il me manque beaucoup. Autant que Louis.
Cette histoire est à jamais inachevée.
Je n'ai aucun moyen d'y remédier, et jusqu'ici, je n'arrive pas à faire mon deuil de façon définitive.
J'ai l'impression d'avoir été volée d'une partie de mon histoire par la mort si injuste de cet homme que j'aimais tendrement.
Mais voilà, il n'y a rien à faire, plus rien à attendre, alors, il faut accepter.
Accepter.
Sans rien dire, car ma peine n'est pas comparable à celle de Pépère et de sa maman.
Alors j'écris. 
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B
<br /> No comment: je pleure. Continue à écrire, tu le fais si bien.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> J'ai moi aussi terminé ton histoire en larmes. Dur, souvent de faire ce qu'on doit et non ce qu'on voudrait. Dur de ne pas pouvoir dire au revoir à quelqu'un qu'on aime.<br /> Amitiés<br /> <br /> <br />
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S
<br /> J'ai fini ce texte en larmes... Echo d'histoire personnelle?... Tout le monde a droit à sa part de deuil. Rien à voir ni avec le temps passé avec la personne, ni avec la proximité génétique, ni<br /> avec la façon dont se sont déroulés ses derniers instants. Chacun porte sa part de deuil.<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> J'aime beaucoup ton blog, je te souhaite plein de bonnes choses pour ces fêtes, ainsi qu’à tous ceux qui viennent te lire régulièrement.<br /> <br /> <br /> http://beadugigi.over-blog.com/<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> <br /> J'aime beaucoup ton blog, je te souhaite plein de bonnes choses pour ces fêtes, ainsi qu’à tous ceux qui viennent te lire régulièrement.<br /> <br /> <br /> http://beadugigi.over-blog.com/<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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